Apmonews19/05/2023
(Belval) Philippe Poirier est professeur à l’université du Luxembourg, détenteur de la chaire de recherche en études parlementaires de la Chambre des Députés du Luxembourg. Il dirige également le programme de cette même université dédiée à la gouvernance européenne. Il est professeur invité à l’université de Turin, à l’université Paris Sorbonne, au Collège des Bernardins (Paris) et à l’université de l’Égee (Mytilène). Ses recherches portent principalement sur la politique européenne, et les études électorales et législatives, et les relations entre politique et religion. Philippe Poirier est, entre autres, professeur en sciences politiques à l’université du Luxembourg à Belval. Il est aussi expert auprès du Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe et, dans ce cadre, il a eu à plusieurs reprises la responsabilité de réviser les rapports sur des États d’Europe orientale et centrale, notamment l’Ukraine, la Fédération de Russie et les États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), dans lesquels il s’est rendu à plusieurs reprises. Les 1er et 2 décembre 2022, le Pr Phillipe Poirier à l’issue du Colloque sur ‘’La Diplomatie parlementaire dans le système de la gouvernance à multiples niveaux’’ à l’Université de Luxembourg a prononcé un discours de clôture qui résume la diplomatie parlementaire et l’importance de cette étude pour les étudiants en Master en Etudes parlementaires, les politiques et les académiques. L’Express24 offre à ses lecteurs le contenu intégral de ce discours au moment ou la Chaire des Etudes parlementaires s’apprête à organiser dans en début du mois de juin prochain un autre colloque non moins éminent : Ecole en études parlementaires sur l’éthique et la déontologie.
Discours de clôture ’La Diplomatie parlementaire dans le système de la gouvernance à multiples niveaux’’ décembre 2022
Philippe POIRIER
« De la définition, nous avons vu que la diplomatie parlementaire en termes de définition peut signifier l’acte de réflexion, l’acte d’influence, l’acte de contrôle, l’acte de message, l’acte de codification et parfois l’acte de participation à la décision.
La deuxième question que nous avons vue, c’est la question du contexte avec les quatre différents exposés, certains États ou régions ou collectivités politiques d’aspect médiéval, ont un rapport à la géopolitique, particulier.
Et cette question du contexte est très importante, géopolitique à l’externe aussi, géopolitique à l’interne. On a eu deux cas. Nous avons deux provinces canadiennes qui ne réagissent pas du tout de la même façon dans le domaine des relations internationales parce qu’elles sont dans une question géopolitique différente à l’intérieur même de la Fédération canadienne. Dans la question du contexte, nous avons aussi la question des ressources ici, la question éventuelle de la conflictualité interne ou externe, le cadre formel ou informel qui existe dans la diplomatie parlementaire.
Et puis une chose qui a été révélée par plusieurs, c’est aussi l’acceptation de résultats ou de non résultats par les pairs dans la diplomatie, avec les témoignages notamment que nous avons eus des secrétaires généraux.
Troisième type de question, la question de la spécificité. Bien entendu, dans chaque régime politique, nous avons abordé, si nous sommes dans un fédéralisme asymétrique, si nous sommes dans un système politique qui est dominé par la question identitaire, si nous sommes dans un système politique qui est un acteur global et qui se veut global comme l’Union européenne ou si nous sommes dans des systèmes politiques qui sont instables dans leur légitimité, Eh bien la diplomatie parlementaire est très déterminée par ces formes de spécificités.
Et puis, il y a aussi l’image du Supertanker, je veux dire dans la spécificité, c’est à dire que c’est un supertanker, on arrête les moteurs à 40 ou à 50 km de la côte et souvent dans la diplomatie parlementaire, on arrête aussi les moteurs, mais ça a des conséquences prévues ou imprévisibles, par bien des aspects.
Enfin et avant-dernière question, la question de la Communauté. La diplomatie parlementaire se veut souvent le prolongement d’une communauté historique. Lusophone, francophone, Commonwealth, nordique d’une certaine manière. La diplomatie parlementaire se veut ou veut construire la communauté de valeurs. C’est là où les communications sont très différentes et j’exprime mon scepticisme ici, parce que les valeurs, les normes, c’est l’enjeu même de la démocratie et donc bien entendu, chacun croit détenir le monopole de la bonne référence de la démocratie, et c’est là, la difficulté parfois et des limites de la diplomatie parlementaire.
Question de communauté aussi parfois, et on n’a pas souvent souligné, la communauté de destin.
La diplomatie parlementaire essaie de rappeler que nous avons des communautés de destin dans l’ordre culturel, dans l’ordre économique, dans l’ordre de la sécurité, dans l’ordre diplomatique.
Enfin, dernière question qui a traversé nos débats, la question de la diffusion des normes, de la diffusion des règles, de la diffusion de l’État de droit. Et là, je dois dire qu’il y a trois formes qui sont apparues. D’abord, même si beaucoup d’acteurs qui nous ont témoignés comme les députés ou les secrétaires généraux, ou même des académiques, il n’en reste pas moins que cette diffusion peut relever aussi d’un principe d’autorité : des États, des systèmes se considèrent qu’ils ont une autorité supérieure, normative. Ça reste toute même, ça peut avoir du bon, mais ça peut avoir des limites.
Deuxième élément dans la question de la diffusion, on voit très bien que la diplomatie parlementaire reste même de la persuasion. Quand j’essaie de persuader les étudiants à poser des questions, des problématiques de recherche, des hypothèses, je ne m’y arrive pas toujours. Mais on reste de la persuasion, etc. Et puis la troisième forme de diffusion, c’est être un modèle. C’est à dire qu’on s’empêche le discours de l’autorité, mais on est soi, on est le modèle, on essaie de montrer que les techniques du droit, les techniques organisant le travail parlementaire, les règles normatives, le respect des droits et des libertés fondamentales peuvent s’exporter. J’allais dire par elles-mêmes, naturellement, le modèle.
Enfin, la dernière chose, la question de la diffusion trouve sa limite, et j’ai trouvé à un moment donné quelques formes de pessimisme, même dans l’autre dernière intervention qui se voulait pourtant plus constructive dans le sens, c’est que le modèle de la démocratie libérale, de la démocratie représentative plus court semble quand même non pas en crise, mais semble être limité ou sans se limiter à quelques poches d’une grande partie de la planète. Il y a des formes de résistance nouvelles au développement de la démocratie libérale et de la démocratie représentative qui posent question, qui posent question parce que la plupart des États marque des résistances.
Aujourd’hui, on l’a bien vu, à une question derrière la question ukrainienne, cela montre aussi l’isolement de nos démocraties libérales, de nos démocraties représentatives qui se voient, mais aussi qui doivent nous interroger, nous, en tant qu’académiques, en tant que chercheurs, en tant qu’acteurs et en tant qu’étudiants de réfléchir nous-mêmes à améliorer notre propre modèle pour qu’il soit persuasif, qu’il soit de destin et qu’il soit plus sûr pour notre avenir.
C’est sur ces paroles de destin, de Communauté que nous avons formé pendant ces deux jours, que je vous souhaite une excellente fin de semaine.’’
Recueilli et transcrit par Carlos Komlanvi KETOHOU