La plateforme d’immigration et d’intégration Luxembourg (PiiLux) gagne du terrain depuis quelques mois. Cette année déjà, elle a organisé deux tables-rondes à succès au bénéfice des participants sur des questions constitutionnelles et linguistiques. Les thèmes prévus pour l’année électorale 2023 au Luxembourg annoncent les couleurs de grands débats, identité remarquable de PiiLux Asbl.
Du bilinguisme au multilinguisme, le Luxembourg est en proie au phénomène de la diversité linguistique issue de la présence sur le territoire grand-ducal d’un grand nombre d’habitants venus d’autres pays du monde. Cette problématique a fait l’objet mardi 21 février 2023 d’une table-ronde organisée au Luxembourg par la Plateforme Immigration et Intégration Luxembourg, PiiLux Asbl sur le thème « le régime linguistique au Luxembourg face aux changements démographiques et législatifs et son impact sur le modèle scolaire. »
Pour en parler, Claude Meish, Ministre de l’éducation nationale, de l’enfance et de la jeunesse et Fernand Fehlen, sociolinguiste. Les succès linguistiques expérimentés ici et ailleurs, d’après les perceptions, sont relativement controversés, selon le modérateur Antonio Montsserrat, membre de PiiLux Asbl. Et dans le cas d’espèce du Luxembourg, le constat fait et exposé aux participants est qu’une bonne partie de la jeunesse exprime de moins en moins d’intérêt pour les langues, notamment de la langue française. Quelles sont donc les solutions alternatives alors que l’essor démographique rime avec la pluralité linguistique ?
Au Luxembourg, il est pratiqué plusieurs langues dont principalement : le français, l’anglais, l’allemand et le luxembourgeois. Le portugais et l’italien viennent compléter la liste alors que le débat se nourrit au niveau politique sur la création d’un contexte efficace pour mettre en valeur la richesse linguistique.
Selon Claude Meisch, ministre de l’Education, la politique pédagogique implémentée à l’éducation a développé la création d’écoles internationales publiques. C’est la première solution : « l’idée était de développer une école où des élèves de langues maternelles différentes vont être intégrés dans une seule école et c’est pour ça qu’ils ont développé l’idée des filières linguistiques mais aussi la possibilité du choix des langues étrangères à différents niveaux. C’est la réalité dans beaucoup de quartiers, beaucoup de communes et de villes au Luxembourg. C’est pour cela que ce modèle que nous appliquons dans les écoles internationales publiques est bien apprécié des parents, des élèves et présente une grande chance… », a expliqué le ministre. Pour Fernand Fehlen, la langue est le dénominateur commun pour se connaître dans l’autre et pour différencier l’autre. Dans son exposé, le sociolinguiste a confié à l’assistance que la langue officielle du Grand-Duché est le multilinguisme individuel. Dans les échanges commerciaux et les discussions quotidiennes, dans les banques et l’administration, le français vient en première position en plus de l’anglais et de l’allemand.
Le luxembourgeois reste la langue pratiquée en politique. Les débats au parlement par exemple se font en luxembourgeois mais de plus en plus cette langue tend à devenir la langue d’intégration. Elle est donc exigée pour la naturalisation. Elle est d’ailleurs inscrite dans la nouvelle constitution.
Collette Mart, Echevine en charge de l’éducation a, quant à elle, présenter le tableau multiculturel et linguistique du Luxembourg. Pour elle, le pays compte 167 nationalités et 70% d’étrangers. Une situation qui traduit les difficultés dans la gestion du système scolaire. C’est pourquoi les moyens adéquats sont mis à la disposition des élèves pour faciliter l’apprentissage des langues.
Les débats au cours de cette table-ronde ont permis de dégager le caractère multilinguiste du Luxembourg, même si de plus en plus, le luxembourgeois s’impose comme la langue politique et nationale.
Débat sur la nouvelle constitution
Le 19 janvier dernier, la plateforme PiiLux Asbl a rassemblé les participants sur le thème : « nouvelle constitution luxembourgeoise, ce que vous ne savez pas et que vous n’aviez pas encore osé demander ». Des invités de marque en ont débattu avec beaucoup de célérité. Mars Di Bartolomeo, député du parti LSAP, Simone Beissel, députée du parti démocratique, Nathalie Oberweis, députée de Déi Lenk et le juriste Rhéa Ziadé du secrétariat de la commission consultative des droits de l’homme avaient animé le débat. Laure Zuccoli, ancienne présidente de l’association de soutien aux travailleurs immigrés, était aussi à la table de discussion.
En effet, après plusieurs années de consultations, de travaux parlementaires et de rapports, une nouvelle constitution entre en vigueur au Luxembourg à partir du 1er juillet 2023. Un évènement politique qui passe inaperçu, malgré la tenue en juin et en octobre prochains des élections communales et législatives. Les Luxembourgeois sont plus préoccupés par le travail et les finances, ce qui ralentit l’implication de plusieurs acteurs dans le débat politique.
La révision constitutionnelle en question s’articule autour de quatre principaux axes : Le fonctionnement de la justice, l’organisation de l’Etat, son territoire, ses habitants, le Grand-Duc, la monarchie constitutionnelle, le Gouvernement, les relations entre l’Etat et les communautés religieuses, les communes, les droits et libertés et la Chambre des Députés et du Conseil d’Etat.
Ainsi, dans la nouvelle mouture de la loi fondamentale, peut-on lire entre autres, la sauvegarde de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique, la reconnaissance des animaux comme des êtres dotés de sensibilité et la protection de leur bien-être, le droit au logement ou encore la protection du patrimoine culturel.
Par ailleurs, la langue luxembourgeoise, le drapeau, les armoiries et l’hymne national sont inscrits dans la Constitution. L’attachement au multiculturalisme est confirmé. Le nouveau texte dispose également de l’adhésion du Luxembourg au processus d’intégration européenne. Des questions qui ont fait l’objet de grands débats contradictoires, parmi lesquels l’article 16 de la nouvelle constitution qui consacre les droits aux Luxembourgeois face à ceux qui sont appelés des non-Luxembourgeois. « Tous les citoyens sont égaux devant la loi », aurait préféré Barilozi, membre de la plateforme, pour lever l’équivoque sur cet article.
Une autre crainte des débats avec Antoni Montserrat est le risque pour le Luxembourg de rejoindre les pays où la Cour constitutionnelle devient une deuxième chambre de députés (Pologne, Espagne…) « C’est du moins le pire scénario qui risque de se produire. Ce n’est pas idéal, parce que c’est la Chambre des députés, élue par les citoyens, qui doit régler les problèmes et non neuf juges qui doivent s’occuper des désaccords entre les politiciens », a-t-il déclaré avant de reconnaître que globalement, la nouvelle Constitution représente une évolution et ne compliquera la vie de personne. C’est une constitution démocratique, ouverte. Dans la nouvelle constitution, il est à noter également les réformes dans les prérogatives et des pouvoirs de la monarchie. Elles concernent notamment la succession monarchique et les privilèges, le commandement de l’armée et la nomination des juges.
L’opposition, présente à cette table-ronde, a été plus loin en évoquant par exemple la limitation du mandat du Grand-Duc. Les débats de grande ampleur comme celui de la constitution, du régime linguistique sont généralement des sujets non évoqués sur la place publique au Luxembourg. C’est donc la plateforme PiiLux Asbl qui vient à présent dire haut ce que tout le monde pense bas. Une audace qui vaut de plus en plus de l’intérêt pour PiiLux Asbl qui a un agenda chargé pour l’année 2023. D’autres rencontres non moins pertinentes sont prévues pour 2023, notamment le télétravail, l’essor démographique du Luxembourg et les débats politiques avec les représentations internationales et les jeunesses des partis politiques.
PiiLux Asbl est la plateforme d’immigration et d’intégration Luxembourg. C’est un espace d’analyse et de réflexions sur des sujets importants, qui fâchent à la limite, mais qui permettent aux citoyens de comprendre et de s’intégrer aux processus de reformes politiques, économiques, socioculturelles et linguistiques au Luxembourg.
source: La Nouvelle Tribune